Quantum bit (Ⅱ): Les Opérateurs.

Après avoir vu ce qu'était un , voyons les opérations basiques qu'on peut lui appliquer.

Les opérateurs qu'on applique en quantum computation sont tous unitaires (à l'exception des mesurements, qui mathématiquement correspondent à des projecteurs orthogonaux), et donc en particulier réversibles. Pour rappel, une application linéaire unitaire dans un espace de Hilbert est caractérisée par: \[ UU^{\dagger}= U^{\dagger}U=I \]

Voilà les premiers opérateurs à retenir, exprimés dans la base \((\ket{0},\ket{1})\): \[ \begin{alignat*}{1} X&= \begin{bmatrix} 0 & 1 \\ 1 & 0 \end{bmatrix}\\ Y&= \begin{bmatrix} 0 & -i\mkern1mu \\ i\mkern1mu & 0 \end{bmatrix}\\ Z&= \begin{bmatrix} 1 & 0 \\ 0 & -1 \end{bmatrix}\\ \end{alignat*} \] On appelle ces matrices les matrices de Pauli.

Un autre opérateur essentiel est l'opérateur d'Hadamard. Il peut s'interpréter entre autre comme une matrice de passage, de la base \((\ket{0},\ket{1})\) à la base \((\ket{+},\ket{-})\): \[ \begin{alignat*}{1} H&= \begin{bmatrix} \frac{1}{\sqrt{2}} & \frac{1}{\sqrt{2}} \\ \frac{1}{\sqrt{2}} & -\frac{1}{\sqrt{2}} \end{bmatrix}\\ \end{alignat*} \] avec \[ \begin{alignat*}{1} \ket{+}&= \frac{1}{\sqrt{2}}(\ket{0}+\ket{1})\\ \ket{-}&= \frac{1}{\sqrt{2}}(\ket{0}-\ket{1})\\ \end{alignat*} \]

Pour finir cette liste des indispensables, voilà \(S\) et \(T\), respectivement phase et \(\frac{\pi}{8}\): \[ \begin{alignat*}{1} S&= \begin{bmatrix} 1 & 0 \\ 0 & i\mkern1mu \end{bmatrix}\\ T&= \begin{bmatrix} 1 & 0 \\ 0 & e^{i\mkern1mu \frac{\pi}{4} } \end{bmatrix}\\ \end{alignat*} \]

Pour les retenir c'est facile: remarquer que: \[ \begin{alignat*}{1} S^2&= Z \\ T^2&= S \end{alignat*} \]

Pourquoi le nom \(\frac{\pi}{8}\)? On peut écrire \[ \begin{alignat*}{1} T&= e^{i\mkern1mu \frac{\pi}{8} }\begin{bmatrix} e^{-i\mkern1mu \frac{\pi}{8} } & 0 \\ 0 & e^{i\mkern1mu \frac{\pi}{8} } \end{bmatrix}\\ \end{alignat*} \] Or on sait que le facteur \(e^{i\mkern1mu \frac{\pi}{8}}\) (global phase) n'a pas de signification physique, on peut tout aussi bien l'enlever.

Pour retenir \(Y\), on peut penser que \(-i\mkern1mu\) est moins lourd que \(i\mkern1mu\), donc flotte en haut à droite. D'autre part les \(i\mkern1mu\) ne peuvent être sur la diagonale, sinon l'opérateur serait équivalent à \(Z\).

On a les relations: \[ \begin{alignat*}{1} X^2&=Y^2=Z^2=I \\ XY &= i\mkern1mu Z \\ YZ &= i\mkern1mu X \\ ZX &= i\mkern1mu Y \\ \end{alignat*} \]

Maintenant il faut se familiariser avec l'action de ces opérateurs, en termes de transformation de la Sphère de Bloch. Regardons ce qu'il se passe si on applique \(X\) au qubit \(\ket\psi=\cos\frac{\theta}{2}\ket0 + \sin\frac{\theta}{2}e^{i\mkern1mu\varphi}\ket1\) \[ \begin{alignat*}{1} X\ket\psi &= \cos\frac{\theta}{2}X\ket0 + \sin\frac{\theta}{2}e^{i\mkern1mu\varphi}X\ket1 \\ &= \cos\frac{\theta}{2}\ket1 + \sin\frac{\theta}{2}e^{i\mkern1mu\varphi}\ket0 \\ &= \sin\frac{\theta}{2}e^{i\mkern1mu\varphi}\ket0 + \cos\frac{\theta}{2}\ket1 \\ &= e^{i\mkern1mu\varphi}(\sin\frac{\theta}{2}\ket0 + \cos\frac{\theta}{2}e^{-i\mkern1mu\varphi}\ket1) \\ \end{alignat*} \] Comme d'habitude, on se débarasse de la phase globale, \[ \begin{alignat*}{1} X\ket\psi &= \sin\frac{\theta}{2}\ket0 + \cos\frac{\theta}{2}e^{-i\mkern1mu\varphi}\ket1 \\ &= \cos(\frac{\pi}{2}-\frac{\theta}{2})\ket0 + \sin(\frac{\pi}{2}-\frac{\theta}{2})e^{-i\mkern1mu\varphi}\ket1 \\ &= \cos(\frac{\pi-\theta}{2})\ket0 + \sin(\frac{\pi-\theta}{2})e^{-i\mkern1mu\varphi}\ket1 \\ \end{alignat*} \]

Il s'est donc passé deux choses:

  1. \(\varphi\) s'est transformé en \(-\varphi\): Dans \(\mathbb{R}^3\), cela correspond à une symétrie par rapport au plan \(y=0\).
  2. \(\theta\) s'est transformé en \(\pi-\theta\): Dans \(\mathbb{R}^3\), cela correspond à une symétrie par rapport au plan \(z=0\).

Or on sait que la composée de deux symétries est une rotation, d'axe l'intersection des deux plans (l'axe des \(x\)), d'angle le double de l'angle entre les deux plans (ici \(2\frac{\pi}{2}=\pi\))

On a donc fait une rotation du qubit autour de l'axe des \(x\), d'angle \(\pi\), ou autrement dit une symétrie axiale. En images, cela donne ça:

Sans surprise, on peut vérifier facilement, que \(Y\) correspond à une rotation d'angle \(\pi\) autour de l'axe des \(y\) et \(Z\) correspond à une rotation d'angle \(\pi\) autour de l'axe des \(z\).

C'est aussi éclairant de déterminer les vecteurs propres et valeurs propres des matrices de Pauli:

Pauli Operator Valeur propre \(\lambda=1\) Valeur propre \(\lambda=-1\)
X \(\frac{1}{\sqrt{2}}(\ket0+\ket1)\) \(\frac{1}{\sqrt{2}}(\ket0-\ket1)\)
Y \(\frac{1}{\sqrt{2}}(\ket0+i\mkern1mu\ket1)\) \(\frac{1}{\sqrt{2}}(\ket0-i\mkern1mu\ket1)\)
Z \(\ket0\) \(\ket1\)

Plus généralement, la rotation d'un angle \(\theta\) autour du vecteur unitaire \(n=\begin{bmatrix}n_x&n_y&n_z\end{bmatrix}\) est donnée par: \[ \begin{alignat*}{1} R_{\vec{n}}(\theta) &= e^{-i\mkern1mu \frac{\theta}{2}\vec{n}\cdot \vec{\sigma} } \\ &= e^{-i\mkern1mu \frac{\theta}{2}(n_xX+n_yY+n_zZ) } \\ &= \cos\frac{\theta}{2}I-i\mkern1mu\sin \frac{\theta}{2}(n_xX+n_yY+n_zZ) \end{alignat*} \]

Tout ça est une autre façon de voir le corps des quaternions \(\mathbb{H}\): cf. ce XENS.


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